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Blog d'infos, reportages, interviews ouvert à tout jeune 13 à 18 ans souhaitant découvrir le journalisme en publiant ses articles avec les conseils d’étudiants de l'Ecole Publique de Journalisme à Tours. Inscrivez-vous en cliquant sur la page "Devenez jeune reporter» vous recevrez votre carte jeune reporter avec cahier. Activité coordonnée par l’association «Jeunes reporters 8 à 18 ans» en Indre et Loire (37) proposant aussi des sorties, des ateliers journalistiques et un autre blog pour les 8/13 ans www.jeunesreporters8ans13ans.fr

31 Jul

Chronique de guerre #4 : Quand est-ce qu'une guerre se termine ? **

Publié par Laurine Varnier, 18 ans, Le Blanc, France.  - Catégories :  #Histoire, #Actu, #Actualité, #interview, #guerre, #algérie, #reportage 2022

Chronique de guerre #4 : Quand est-ce qu'une guerre se termine ? **

Votre série de l'été, Chronique de guerre, vous permet de partir à la rencontre de personnes ayant participer à un conflit ou à un évènement historique. Témoignages authentiques d'une époque révolue, chaque témoignage a été le fruit d'un riche travail personnel et historique, demandant de la part de la personne interrogée, un travail rétrospectif sur cet évènement précis de sa vie, souvent très lointain.

Vous avez été témoin ou acteur d'un fait historique ? Pour en parler, vous pouvez me contacter par mail à l'adresse suivante laurinevarnier8@gmail.com.

L’Algérie après la guerre, témoignage d’un jeune français.

 

Michel Martin  est né en France en octobre 1944. En janvier 1964, alors qu’il vient d'avoir 19 ans, il est envoyé en Algérie pour y effectuer son service militaire. Les Accords d’Évian ont été signés en 1962 et la guerre est terminée. Des soldats français et des appelés sont encore présents sur le territoire pour transférer le matériel militaire jusqu’en France. Michel Martin nous raconte ces 12 mois passés en Algérie, 2 ans après la fin du conflit et l’atmosphère qui y régnait.

Chronique de guerre #4 : Quand est-ce qu'une guerre se termine ? **
Laurine Varnier : Quel était votre état d’esprit avant de partir en Algérie ?

 

Michel Martin : Je n’étais pas très enthousiaste à l’idée de faire mon service militaire, on savait bien que, de notre génération, personne n’y échappait. L’armistice avec l’Algérie avait été signé et l’indépendance semblait inéluctable tôt ou tard. J’avais grandi avec la guerre d’Indochine (1946-1954) et depuis 1939, la France avait toujours été en guerre. J’étais jeune à l’époque et insouciant, je ne me rendais pas compte que je risquais ma vie en allant là-bas. Nous n’avions pas le choix et tenter de se faire réformer aurait blessé notre amour propre…

 

Laurine Varnier : Quelles étaient vos activités pendant votre service militaire et comment viviez-vous ?

 

Michel Martin : J’avais une formation de mécanicien et je vivais dans une caserne à AIN EL TURCK un village près de Mers-el-Kébir, non loin d’Oran. L’endroit était stratégique, car nous bénéficiions d’une base souterraine en cas de représailles. Nous vivions dans des baraquements construits en taule, où il faisait très chaud et sans beaucoup d’hygiène. De temps à autre, des permissions nous étaient accordées pour sortir après le travail, mais nous devions être rentrés à la caserne avant minuit. Évidemment, nous ne pouvions pas aller partout où nous le voulions, certains quartiers d’Oran nous étaient interdits pour des raisons de sécurité. D’autant plus que nous sortions en uniforme militaire, car nous n’avions pas de vêtements civils. Mon activité consistait à dépanner ou remorquer les véhicules de l'armée française puis les réparer.

Nous partions toujours en mission à deux pour les dépannages, avec notre arme de service, mais je ne m’en suis jamais servi. Nous avions ordre de ne nous défendre qu’en cas de situation exceptionnelle. Il ne fallait surtout pas répliquer quand des enfants des villages nous jetaient des pierres comme cela arrivait parfois. Malgré l’armistice, les relations franco-algériennes restaient tendues mais la consigne qui nous était donnée était l’apaisement.

Chronique de guerre #4 : Quand est-ce qu'une guerre se termine ? **
LV : Vos rencontres avec des harkis, vous ont marqué. Comment ont-ils vécu la fin de la guerre ?

 

Michel Martin : Je me souviens d’un couple de commerçants que j’avais aidé à réparer leur DS. Ils étaient originaires de Vendée et avaient vécu une bonne partie de leur vie en Algérie. Ils ne voulaient pas partir, même si le danger les guettait. J’ai connu des dizaines de Français qui m’ont raconté le déchirement de devoir quitter cette terre où leur famille était installée depuis plusieurs générations. Les harkis (NDLR : des Algériens qui combattaient du côté des Français) et des pieds- -noirs ont dû quitter leur pays ou se cacher, car des représailles du FLN les attendaient. On en parle peu mais l’Indépendance ne s’est pas faite dans la douceur. Le 5 juillet 1962, quelques jours avant la proclamation de l’Indépendance de l’Algérie, une fusillade a eu lieu dans les rues d’Oran. Cet attentat, perpétré entre autres par l’ALN (Armée de Libération Nationale – organisation indépendantiste), ciblait des harkis, des pro-français et des pieds-noirs. Pendant tout un après-midi, des gens ont été poursuivis jusqu’à leur domicile, 600 personnes ont été tuées ou portées disparues. Présent à Oran, le général commandant les troupes françaises en Algérie, immédiatement informé du massacre a appelé le Général de Gaulle. À ce moment précis il lui était encore possible d'arrêter le massacre mais, au prétexte que l'armistice avait été signé, le Général de Gaulle a ordonné aux militaires de ne pas bouger. Les Français militaires ont définitivement quittés l'Algérie en 1968, comme le prévoyaient les accords d'Evian.

 

LV : Ces représailles vis-à-vis des harkis se sont-elles apaisées avec le temps ?

 

Michel Martin : Je n’ai pas connu beaucoup de harkis par la suite, mais je me souviens avoir connu il y a 20 ans, un voisin, dont le père était harki. Il m’a confié ne pas pouvoir retourner en Algérie sans y risquer sa peau, car tous les harkis et leurs descendants étaient fichés et s’exposaient à des représailles. La haine est toujours présente chez certains, même 60 ans après la fin du conflit

LV : Qu’avez-vous fait à la fin de votre service militaire ?

 

Michel Martin : En avril 1965, je suis rentré en France, je me suis marié, j'ai fondé une famille puis j’ai abandonné la mécanique pour devenir commercial, toujours dans le monde de l'automobile. En répondant à vos questions, ce sont tous ces souvenirs qui remontent à la surface 60 ans après. J'ai eu cette chance, grâce à ma mission de mécano, de bénéficier d'une certaine liberté de mouvement tout en restant prudent. J'ai ainsi pu circuler dans cette magnifique région qu'est l'Oranais. Quelle ouverture d'esprit pour moi qui n'avais pas beaucoup bougé avant mon départ sous les drapeaux. Oran, quelle magnifique ville tournée vers la Méditerranée avec ses immeubles de style haussmannien. Je me souviens aussi avoir été assez surpris, quand je suis arrivé, par certains édifices publics et la cathédrale. Depuis, bien qu'ayant beaucoup voyagé à l'étranger tant pour mes activités professionnelles que pour mes loisirs je ne suis jamais retourné en Algérie.

Peut-être un jour reprendrai-je un billet pour l'Algérie afin de revoir en touriste cette belle région Oranaise ?

 

Merci à Michel Martin d'avoir accepté de prendre le temps de répondre à nos questions.

Laurine Varnier, 18 ans, Le Blanc, France.

Chronique de guerre #4 : Quand est-ce qu'une guerre se termine ? **
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