Série de l'été : Chronique de Guerre #1 Rescapé des essais nucléaires du Sahara**

Votre série de l'été, Chronique de guerre, vous permet de partir à la rencontre de personnes ayant participer à un conflit ou à un évènement historique. Témoignages authentiques d'une époque révolue, chaque témoignage a été le fruit d'un riche travail personnel et historique, demandant de la part de la personne interrogée, un travail rétrospectif sur cet évènement précis de sa vie, souvent très lointain.

Vous avez été témoin ou acteur d'un fait historique ? Pour en parler, vous pouvez me contacter par mail à l'adresse suivante laurinevarnier8@gmail.com.

Chronique de guerre Épisode 1 : Rescapé des essais nucléaires du Sahara.

Entre 1960 et 1966, l’armée française a effectué, au sud est de l’Algérie, au Sahara et en Polynésie française, plusieurs dizaine d’essais nucléaires. Cela lui a permis de se doter de l’arme nucléaire en 1962. Dernièrement, des documents classés secrets défense ont été rendus publics, ce qui a permis de médiatiser les conséquences environnementales et sur la santé des soldats et des populations locales. 60 ans après, le Sahara occidental reste une région ayant un fort taux de particules radioactives. Certains scientifiques estiment que la zone risque d’être radioactive les 60 000 prochaines années.

Reggane est une ville connue en Algérie, avec In Ekker, pour avoir accueilli le centre Saharien des essaies nucléaires. Petite ville de 7000 habitants, Reggane est relativement rurale et entourée par le désert. 4 essaies nucléaires y ont eu lieu. Dans un contexte de guerre de guerre froide, la France cherche à acquérir l’arme nucléaire ; c’est chose faite en 1960. Les missions, appelées Gerboise bleu, Gerboise rouge ou encore Gerboise verte, ont continué bien après la fin de la guerre d’Algérie, grâce à un accord commun entre les deux pays.

Claude Lessec, retraité habitant à Poulaines (près de Valencay) avait 18 ans en 1958, lorsqu’il a été appelé pour faire son service militaire en Algérie. Mobilisé pendant 2 ans, il a été témoin des essaies nucléaires français.

Claude Lessec en 2022 © Photo La Nouvelle République

Laurine : Qu’avez vous fait durant votre service militaire ?

Claude Lessec : Mon, service militaire a duré 24 mois. J’ai quitté mon Berry natal pour faire mes classes à Alger puis je suis descendu au sud de l’Algérie, à Adrar, où l’armée française avait un camp militaire. Je n’ai pas assisté directement aux essaies nucléaires, j’étais à plusieurs centaines de kilomètres du point 0 de la bombe. J’ai également participé au transport de marchandises destinées aux scientifiques. Mes missions principales consistaient à patrouiller entre la frontière du Mali et de l’Algérie car pendant les essaies nucléaires, aucun véhicule ne devait traverser la frontière.

Laurine : Les essaies se déroulent en pleine guerre d’Algérie, comment percevez vous le conflit ?

Claude Lessec : La région dans laquelle j’habitais était rurale et escarpée. Les paysages étaient montagneux, le climat chaud. C’était très différent d’Alger et des villes algériennes du nord. Notre division n’a jamais été attaquée par le FLN. Nous étions armés mais nous n’avons jamais eu à nous en servir pour nous défendre.

Principaux lieux d'essaies nucléaires français en Algérie entre 1960 et 1966

Laurine : Avez vous eu des contacts avec la zone radioactive ?

Claude Lessec : J’ai participé à l’acheminement de matériels militaires, lors du lancement de Gerboise bleue, premier essaie nucléaire français, le 13 février 1960.

Le régiment dans lequel j’étais intégré était proche de la frontière avec le Mali. Cependant, pour revenir au camp, à Adrar, nous sommes passés, en jeep dans les zones où ont eu lieu les essais nucléaires. Nous n’avions aucune protection. Arrivé au camp, des médecin vêtus de combinaisons blanches nous désinfectaient et mesurait notre taux de radioactivité avec des appareils. Les voitures en revanche présentaient un fort taux de radioactivité.

Laurine: Ces essais nucléaires ont eu un impact sur la santé de celles et ceux qui y ont assisté, de près ou de loin. Avez vous eu par la suite, des maladies qui auraient pu être causé par votre participation aux essaies nucléaires ?

Claude Lessec : "10 ans après la fin de mon service militaire, quand j’avais 30 ans, j’ai du me faire opérer de la glande thyroïde (NDLR : dans la gorge), car des cellules précancéreuses s’y développaient. Aucun lien n’a été fait entre ce problème de santé et ma présence aux essaies nucléaires."

Ces dernières années, des associations de victimes des essaies nucléaires se sont constitués, comme l’Association des Vétérans des Essais Nucléaires (AVEN) qui regrouppe des anciens appelés ayant participé aux opérations nucléaires. Beaucoup sont en colère, car l’État français avait conscience en 1960, de la dangerosité des essais nucléaires et des impacts sur la santé.

Zone radioctive du Sahara, dont l'accès est encore interdit, même 60 ans après la din des essaies. Crédit Photo ©Algérie Presse Service

 Les poussières de sable

Ces derniers mois, de nombreuses villes françaises ont connu des tempêtes de sables, en provenance
du Sahara. Des scientifiques ayant analysé des échantillons de ce sable retrouvé sur de nombreux
pare-brise de voiture, ont révélé la présence de Césiun 137.  Cette matière radioactive a été utilisée lors des essaies nucléaires français.  Le retour du Celsiun 137 en France sonne comme un rappel singlant de l’histoire.

Un ciel orangé par les poussières de sable du Sahara à Rennes 12 mars 2016 - Marie DUFAY / AFP

Un grand merci à Monsieur Claude Lessec qui a accepté de me confier son histoire.

Laurine Varnier; 18 ans, Le Blanc, France