Chronique de Guerre #3 : La guerre de Corée vécu par un Français**

Votre série de l'été, Chronique de guerre, vous permet de partir à la rencontre de personnes ayant participer à un conflit ou à un évènement historique. Témoignages authentiques d'une époque révolue, chaque témoignage a été le fruit d'un riche travail personnel et historique, demandant de la part de la personne interrogée, un travail rétrospectif sur cet évènement précis de sa vie, souvent très lointain.

Vous avez été témoin ou acteur d'un fait historique ? Pour en parler, vous pouvez me contacter par mail à l'adresse suivante laurinevarnier8@gmail.com.

Claude Massicard est né en 1930, c’est l’homme sur la photo à votre droite. Alors qu’il n’a que 14 ans, il frôle de très près la mort et évite la balle tirée par un soldat allemand lors de l’Occupation. Mais les horreurs de la guerre qu’il a vécue adolescent ne l’ont pas empêché de s’engager lors de la guerre de Corée (1950-1953). Aujourd’hui retraité, il a vécu plusieurs vies au sein de l’armée française avant de travailler dans la grande distribution

Claude Massicard, quelques années après la guerre

Laurine Varnier : Pourquoi avoir choisi d’être volontaire lors de la guerre de Corée ?

Claude Massicard : A l’époque, j’ignorais où se trouvait la Corée. J’étais né à Blois dans un milieu paysan et j’avais envie de voyager. A vingt ans, on se croit immortel, on ne pense pas qu’on va mourir. On sortait de la Seconde Guerre Mondiale et la guerre était encore très présente dans les esprits, les journaux en parlaient beaucoup, j’avais grandi dans cet esprit. Avec le recul de l’âge, je me dis que j’ai été inconscient de m’engager ! En novembre 1949 à Marseille, j’embarquais à bord de l’Ahtos II direction Pusan dans l’actuelle Corée du Sud, soit le bout du monde.

LV : Vous avez débarqué à Pusan avec les forces de l’ONU. Où logiez-vous ?

C.M : Vingt-et-un pays dont la France et les États-Unis ont combattu ensemble sous l’égide de l’ONU. J’étais intégré au 23ᵉ Régiment et nous logions dans le camp DRAKE dans des tentes. On mangeait à notre faim, les Américains nous fournissaient la nourriture. On passait l’essentiel de notre temps dans les tranchées. Il faisait très froid, nous vivions tout le temps dehors sous des températures pouvant descendre jusqu’à −25 °C. Nous vivions dans les mêmes conditions que les poilus de la Première Guerre Mondiale. Les attaques nocturnes du camp étaient très fréquentes. Une nuit, j’ai entendu du bruit dans les bois alors j’ai alerté mon chef : une bonne décision, car nous avons échappé de peu à l’invasion de nos lignes par les soldats ennemis.

LV : Comment vous défendiez-vous ?

C.M : Nous avions des armes d’infanterie : des fusils mitrailleurs, de mortiers, des obus… Les Américains pilotaient des B-29 pour bombarder. On se protégeait des tirs ennemis en se réfugiant dans les tranchées. Les Russes, qui combattaient aux côtés des Coréens du Nord, fournissaient les avions et les Chinois étaient présents en nombre important. J’étais sous les ordres d’un lieutenant français tué au front. Nous avions très peu de contacts avec l’ennemi, mais j’ai rencontré des soldats nord-coréens en face-à-face lorsque j’ai été blessé légèrement la première fois. En mars 1950, j’ai été gravement blessé à la jambe et à la mâchoire par un obus. Après avoir été soigné durant trois mois dans un hôpital japonais, j’ai été rapatrié en France. En 1959, j’ai participé à la guerre d’Indochine mais dans les services administratifs, je ne combattais pas. L’Indochine était différente de la Corée : c’était une guerre de mouvement et les températures avoisinaient les 50°C !

LV : Que pensez-vous des relations entre la Corée du Sud et la Corée du Nord ?

CM : Actuellement, la Corée du Nord et la Corée du Sud ne combattent plus l’une contre l’autre mais aucun accord de paix n’a été signé. Pour autant, la guerre n’est donc officiellement pas terminée. À titre personnel, je trouve cela dommage : ce sont des frères qui parlent la même langue et ont des traditions communes. La guerre de Corée (1950-1953) a eu lieu durant le début de la guerre froide, c’était une guerre d’idéologie : le communisme au nord, le capitalisme au sud. Je suis retourné une seule fois en Corée du Sud avec mon épouse en 1993, en tant qu’ancien combattant. Le pays a certes beaucoup changé mais la situation géopolitique est toujours aussi tendue.

Merci à Monsieur Claude Massicard pour son témoignage et le temps qu'il nous a accordé pour répondre à nos questions.